Samedi 31 mai. Tout est prêt pour partir dans l’arrière pays niçois pour faire la descente de la Ciavarline. Une équipe de l’ACV est déjà dans le coin pour une ballade dans la via ferrata de la coulmiane (voir article précédent). J’appelle Jean-claude qui me répond, accroché en pleine parois.
- "Tous les canyons sont en crue dans le coin", nous dit-il.
- "Bon, on va se rabattre sur le Val d’angouire. C’est plus sur. Le canyon est habituellement assez sec et la météo s’annonce clémente ce dimanche."
Nous chargeons le matériel dans le Kangoo (Que le Grand Viscomte bénisse son concepteur d’avoir fait un si grand coffre) et prenons la route en fin d’après-midi.
En arrivant à Moustier, nous allons vite jeter un œil à la sortie du Canyon pour vérifier le débit. Il est toujours difficile de chiffrer le débit d’un cours d’eau mais en tous cas cela semble très raisonnable. Si la météo ne se gâte pas, nous pourrons nous lancer dans l’aventure.
Nous plantons les tentes au camping à l’entrée de Moustier. La nuit tombe vite. Le village de Moustier s’illumine comme une crèche de noël sous son étoile d’or.
Le lendemain, le réveil sonne à 7h30. Damn’d ! J’ai laissé le sac ‘petit dej’ à la maison. Nous improvisons un petit déjeuner grâce à la boite de survie qui contient 2 sachets de thé, 4 sucres, une soupe et quelques doses de café soluble. La tente DECATHLON 2’’ tiens ses promesses. 2’’ pour la monter, 10 mn pour la plier.
Bastien est déjà un habitué de la descente de canyon. C’est par contre la première fois pour Johan.
Nous laissons la voiture dans le petit parking à la sortie du canyon et empruntons le GR qui mène à La Palud. La balade commence par une belle grimpette qui a vite raison de l’enthousiasme de Bastien sans toutefois parvenir à tarir sa verve qui passent insensiblement des commentaires enjoués sur les aventures du héros de ses mangas préférés aux invectives imagées contre ces chemins qui font que de faire exprès de monter.
- "Si le Paradis existe, il est en descente." affirme-t-il avec le plus grand serieux.
Pourtant, chaque pas nous rapprochant du but, nous finissons par arriver sur le plateau d’où nous pouvons admirer le lac de sainte croix, le plateau de Valensole et la fin des gorges du Verdon. Nous quittons le GR 44 pour suivre le tracé jaune qui plonge vers le Val d’Angouire. Catherine donne le rythme et nous entraine dans la longe descente vers le lit de la rivière donnant ainsi à Bastien l’occasion de revoir sa position sur la topographie du Paradis qu’il s’emploie aussitôt à nous faire partager.
Nous pataugeons dans le cours d’eau jusqu’aux premiers biefs profonds. Nous posons enfin les sacs après 2 heures de marche et faisons ripaille de petits pains au lait fourrés au Kiri et au Jambon suivis d’une compote arrosée à l’eau plate. Quel festin de roi !
Catherine donne les dernières consignes : Pas de saut sans reconnaissance préalable !
Et c’est parti ! Nous avançons tranquillement dans la magnifique gorge creusée dans le calcaire. Le site est vraiment magnifique et la progression est facile.
Une cascade de 9m nous donne un peu de soucis car le rappel se bloque et Catherine est obligée de faire un peu de gymnastique acrobatique pour aller décoincer la corde.
Arrivé à la Poire, le débit nous semble trop important pour une descente sous cascade. Il y a deux équipements hors crue accessible par une courte escalade. Le second, le plus haut, est le plus sur mais nous pensons que nos cordes sont trop courtes pour partir d’aussi haut. Ne connaissant pas l’équipement fixe disponible, j’utilise le premier en espérant trouver plus bas un relais praticable. Ouf ! Après quelques mètres de descente j’aperçois des scellements. Le premier tronçon se termine dans une vasque profonde qui déborde dans la grande cascade. Il y a une grosse ambiance au relais. J’aide Bastien à me rejoindre. Le bruit de l’eau rend difficile la communication avec le haut. Johan nous rejoint. Bastien et moi sommes prêts à descendre, chacun sur notre brin de corde. Dès que Catherine nous rejoint, nous entamons la descente. C’est vraiment très beau. Une grande vasque peu profonde nous accueille. La lumière qui arrive dans la salle est étrange, comme étouffée par la roche et les embruns. Un rayon de lumière presque solide vient frapper un petit cairn. C’est un mélange subtil de calme et de vacarme, de vide et de roche, d’eau et de lumière. Evidemment c’est le moment idéal pour que les piles de l’appareil photo déclarent forfait. Donc, vous devrez vous contenter de ma description et faire un effort d’imagination pour imaginer la beauté de la scène. Johan descend à son tour. Catherine déséquipe et nous rejoint. Nous faisons une courte pause pour avaler une compote et un bout de pain au lait. Bon ! Ce n’est pas qu’on s’ennuie mais l’heure tourne. Il faut commencer à presser le pas si l‘on ne veut pas y passer la nuit.
Malgré moultes sollicitations, Bastien et Johan avancent tranquillement en bavardant. La vie est belle. La pente est douce ! Nous finissons par atteindre la dernière rupture de pente. En 2 rappels (10m et 15m) nous sommes au bas de la dernière verticale. Le reste du canyon nous réserve encore un joli saut et des paysages magnifiques.
Mais bientôt un panneau placé bien en vue au milieu du chemin nous intime l’ordre de suivre le tracé rouge qui contourne la propriété privée où coulent les dernières centaines de mètres de la rivière. Fin de la belle vie en pente douce ! Le sentier remonte en rive droite et suit les falaises en direction de Moustier nous éloignant de notre véhicule. Bastien en profite pour réinventer les théories de Proudhon qui assimilait la propriété privée au vol et vouer aux gémonies les anglais et les indiens (l’heureux propriétaire de la parcelle étant britannique et a installé un tepee sur sa pelouse).
Après un long détour, Catherine nous guide sur un sentier qui semble piquer directement vers la route. Je réclame le silence lorsque nous passons tout près de 2 maisons (et je l’obtiens temporairement). Enfin nous arrivons à la voiture ou nous pouvons ôter nos déguisements de scaphandriers et nous restaurer : Chips, camembert, bananes, compotes, ketchup, Coca-cola. Tout y passe. Le canyon, ça creuse l’appétit !
Il ne reste plus qu’à rentrer à la maison.
M@rcel